Les psaumes : histoire et technique

Origine biblique et tradition juive

Le Livre des Psaumes (hébreu Sefer Tehillîm, « livre des louanges ») fait partie de la Bible hébraïque (Ketouvim) et compte traditionnellement 150 hymnes répartis en cinq recueils. Selon l'Encyclopædia Universalis, il s'agit d'un recueil de poèmes religieux chantés dans l'Israël ancien. Le mot grec psalmos évoque en effet un instrument à cordes (psaltérion), car les psaumes étaient à l'origine chantés « avec accompagnement d'un instrument à cordes ».

Dans la religion juive antique, les psaumes occupaient une place centrale. Au Temple de Jérusalem, on avait une véritable « orchestration » liturgique : la Mishnah décrit au Ier siècle une formation d'au moins 12 instruments à cordes accompagnés de 12 chantres lors des sacrifices. Les psaumes d'action de grâce et de pénitence y étaient largement récités, selon leur fonction liturgique. Leur structure poétique (versets en deux ou trois hémistiches, refrains tels que « Halleluyah » ou « Amen ») suggère une exécution antiphonée ou responsoriale (alternance entre chœur et peuple). Après la chute du Temple, les psaumes se sont transférés dans la liturgie synagogale : ils rythmaient la prière quotidienne et les festivités (par ex. le Hallel de Pâque).

Adoption par l'Église primitive

Les premières communautés chrétiennes, issues du judaïsme, ont naturellement conservé cette prière psalmodique. Le livre des Psaumes n'était pas un livre liturgique formel dès l'origine, mais il « est devenu un livre de chant » lorsque les chrétiens ont rejeté les hymnes gnostiques. Son usage liturgique a été développé surtout par les Pères du IVe siècle et les moines, car les psaumes « font entendre la voix du Christ lui‑même ». Dès l'Église naissante, l'assemblée chrétienne répondait aux lectures bibliques par un chant de psaumes, suivant l'exemple juif (l'épître aux Éphésiens exhorte déjà à « s'entretenir par psaumes, hymnes et cantiques spirituels »). Sous la persécution, les chrétiens chantaient à cappella (sans instruments) et en monodie pure, ce qui a forgé le caractère sobre du chant liturgique primitif.

Intégration dans la liturgie catholique

  • Liturgie des Heures (Office divin) : la prière quotidienne de l'Église est « constituée de telle façon que tout le déroulement du jour et de la nuit soit consacré à la louange de Dieu ». Cette prière compte plusieurs offices (laudes à l'aurore, vêpres le soir, et, traditionnellement, prime, tierce, sexte, none et complies) au cours desquels on récite ou chante systématiquement des psaumes. Dans la règle de saint Benoît (VIe s.), la base de la tradition monastique, on divise déjà les 150 psaumes sur la semaine en offices journaliers, selon l'inspiration du Psaume 119,164 : « Sept fois le jour j'ai chanté tes louanges ».
  • Messe : dans l'Ordre romain, chaque messe comporte un psaume responsorial obligatoirement après la première lecture. Ce psaume après la lecture est « le chant le plus ancien de la liturgie chrétienne », et la Présentation générale du Missel romain lui confère un statut privilégié : il est « un acte ayant valeur en lui-même » et fait « partie intégrante de la liturgie de la Parole ». Pratiquement, le psaume est chanté en réponse à la Parole : le lecteur (ou soliste) chante les versets, et l'assemblée répond par un refrain simple (c'est la forme responsoriale restaurée par les réformes du XXe siècle). Autrefois, ce chant était appelé graduel (en latin gradus), car il était chanté sur les marches menant à l'ambon. Le choix des psaumes du jour est défini par le Graduel romain (livre liturgique du chant).
  • Monastères et communauté chrétienne : à l'origine, les chrétiens priaient surtout à la synagogue ou sous les yeux des dispersés, mais dès le IVe siècle le psautier est adopté comme fondement de la prière commune. Les moines, suivant saint Benoît, entonnaient ainsi l'intégralité du psautier chaque semaine, tandis que la vie paroissiale faisait du « chant de l'Église » un héritage immémorial des Pères (on disait parfois que « le Christ est le premier qui prie les psaumes » dans la liturgie). Les Pères de l'Église (Basilique, Ambroise, Augustin, etc.) ont d'ailleurs constamment interprété les psaumes de manière christologique, nourrissant la célébration par la tradition biblique.

Évolution du chant des psaumes

Du Temple au chant chrétien primitif

Les psaumes étaient d'abord chantés dans le Temple avec des instruments et en chœur. Les notations hébraïques indiquent que l'exécution était antiphonale ou responsoriale. Après la dispersion, les juifs ont développé la cantillation synagogale, mais peu de traces musicales directes ont survécu. Pour les premiers chrétiens, l'absence d'instruments (par prudence) a favorisé un chant d'assemblée simple et a cappella, fondé sur la récitation psalmodique hébraïque adaptée au grec et au latin ecclésial.

Chant grégorien (Moyen Âge)

Au haut Moyen Âge, l'Église occidentale a peu à peu unifié ses usages. Sous Grégoire Ier (VIe s.) on fixe les grands textes liturgiques (chants liturgiques anonymes), et au IXe s. la réforme carolingienne fusionne les traditions romaine et gallicane pour créer le répertoire unique du chant grégorien. Les psaumes y sont déclinés sous forme de mélodies monodiques médiévales (mélismes ou syllabiques selon le mode). L'apparition de la notation musicale (neumes, puis portée à quatre lignes) vers le IXe–Xe s. a permis de fixer ces mélodies, mais aussi d'autoriser des développements plus complexes. Grâce à l'écriture, les compositeurs médiévaux ont expérimenté la polyphonie sacrée : petit à petit, le chant monodique « pur » grégorien céda la place à des polyphonies à plusieurs voix.

Polyphonie et harmonisations modernes

À la Renaissance et jusqu'au Baroque, de nombreux maîtres (Palestrina, Victoria, Orlando di Lasso, Charpentier, etc.) ont mis les textes bibliques, notamment des extraits de psaumes, en musique polyphonique (motets, messes). Parallèlement, dans le protestantisme se développait le psautier polyglotte, avec ses mélodies. À l'époque moderne, on a vu de grands compositeurs harmoniser des psaumes (par exemple le Miserere d'Allegri) et, au XXe siècle, de nouveaux répertoires liturgiques apparaître. La redécouverte de la psalmodie responsoriale a notamment été impulsée autour de 1960–1970 : les psaumes de la Bible de Jérusalem furent mis en chant par le Père Joseph Gelineau, puis par le Père Jacques Deiss, avec refrain et accompagnement simple pour le peuple.

Aujourd'hui, on trouve des arrangements contemporains des psaumes dans de nombreux styles (folk, jazz liturgique, Taizé, etc.). Les harmonisations modernes utilisent souvent des instruments (orgue, piano, guitare) et des chœurs accompagnateurs, tout en conservant la structure strophique et responsoriale héritée de l'ancien usage.

Animation liturgique contemporaine autour des psaumes

  • Psaume responsorial : structure standard où un soliste (ou le lecteur de l'épître) chante les versets et l'assemblée reprend un court refrain. Ce « répons » n'est pas un simple refrain instrumentalisé, mais une réponse synthétique qui exprime le sens principal du psaume (louange, supplication, acclamation…). Grâce au concile Vatican II, l'accent est mis sur l'engagement de la communauté : « Pour promouvoir la participation active, on favorisera […] le chant des psaumes, les antiennes, les réponses, les cantiques… ».
  • Antiennes et refrains : avant et après le psaume (ou entre ses strophes), on place souvent une courte antienne thématique, tirée de l'Écriture, qui introduit le sens du psaume ou fait le lien avec la fête du jour. De même, on peut chanter un refrain répétitif inspiré du psaume pour en souligner le thème. Ces procédés permettent de mettre en valeur la Parole de Dieu et d'aider l'assemblée à s'impliquer.
  • Musique contemporaine : de nombreuses paroisses intègrent aujourd'hui des instruments (orgue, piano, guitare) et des chœurs dans le chant du psaume. Des chants méditatifs empruntant des versets de psaumes circulent (Taizé est célèbre pour certains refrains psalmiques simples). Des compositeurs liturgiques actuels proposent des mélodies accessibles sur accompagnement, ou des polyphonies harmonisées. Dans tous les cas, l'objectif reste le même : faire résonner la prière biblique dans la louange communautaire.

En somme, les psaumes demeurent au cœur de la prière de la Parole dans la liturgie, traversant les siècles avec leur message universel et leur force musicale. Ces dernières années, de nouvelles traductions françaises et de nouveaux refrains responsoriaux ont été publiés pour mieux accompagner la participation de l'assemblée. Notre site propose justement ces nouvelles traductions et antiennes pour faciliter le chant et la méditation pendant la messe.

Sources